44ème étape : Zubiri Pampelona

Aujourd’hui, je me suis enfin senti en Espagne !

Comment se croire ailleurs, dans les rues de Pampelune toujours à l’ombre, étroites et cachées du soleil par les grandes façades peintes des immeubles, aux fenêtres desquels sèche le linge des familles.

Comment se croire ailleurs, quand soudain, à l’heure de la sieste, les magasins baissent le rideau ; quelques gamins seulement restent dehors, jouent au ballon, et font retentir dans la ville assoupie les cris de leurs exploits.

Comment se croire ailleurs, quand la vie revient avec la nuit, quand tout s’illumine à nouveau, quand les bars servent vino, cerveza et tapas aux clients réveillés.

Comment se croire ailleurs, dans ces églises pleines de dorures, de tabernacles à triple couronne, de statues peintes et non-décapitées, de femmes agenouillées…

Pas de doute, je suis bien en Espagne !

Marc s’arrête quelques jours pour prendre un peu de repos avec des amis venus le visiter. Nous étions partis tôt le matin pour avoir le temps de trinquer et de manger quelques tapas à Pampelune, histoire de fêter nos presque 600 km de marche en duo. Adios, Marc !

42ème étape : Saint-Jean-Pied-de-Port Roncesvalles

Aujourd’hui, j’ai appris d’où vient l’expression Auberge Espagnole. Dans la même chambre ce soir : trois sud-coréennes, trois français, une espagnole, un hollandais, un allemand. Ça piaille dans tous les sens, je n’ose pas imaginer comment c’est l’été.

Toujours pas de nouvelles de ceux partis sur la route Napoléon ; je redoute le pire. En partant par le col d’Ibañeta, réputé plus facile, je marchais dans 20 centimètres de neige, avec le ciel qui me tombait sur la tête.

Arrivé au col d’Ibañeta, après une ascension épuisante, je croisai un géant hollandais – pléonasme – en pantoufles. Il était bloqué là-haut dans son camping-car, un chasse-neige lui ayant bloqué l’accès à la route d’une montagne de neige. Le Batave ne se plaignait pas. Il lui restait deux semaines de vivres dans son véhicule, de quoi tenir jusqu’à la prochaine neige et le passage du chasse-neige.

Roncevaux ! Comment ne pas entendre, dans ces montagnes dangereuses, le sinistre écho du cor de Roland !

Dans le soir d’or résonne, résonne,
Dans le soir d’or résonne le cor.
C’est le cor du grand Roland
Qui sonne affolant
Sous le ciel sanglant.

Ces montagnes ont vu couler le sang des plus braves.

Puissent-elles être magnanimes pour les fous.

40ème étape : Sauveterre-de-Béarn Ostabat

Aujourd’hui, naturellement, je n’ai chanté, sifflé ou meumeumé que ce refrain, celui que reprenions en canon chez les scouts :

E ultreïa ! E ultreïa ! E ultreïa ! E ultreïa !
Santiago, Santiago !
De Vézelay,
Du Mont-Saint-Michel,
Du Puy-en-Velay,
Ostabat !

Le petit village d’Ostabat est en effet le point de convergence de trois routes principales vers Compostelle :

  • celle de Vézelay, qui draîne ceux qui viennent du nord, les Allemands, les Belges, les Goudas…
  • celle de Tours, qui peut se prolonger jusqu’au Mont Saint Michel, qui conduit les Bretons, les Parisiens, les Anglais, les Écossais…
  • celle du Puy, qui mène ceux de l’est de la France, de Suisse, de toute l’Europe de l’Est…

On peut penser ce que l’on veut du récent prix Nobel décerné à l’UE, mais je ne peux pas m’empêcher de croire qu’au même tarif, les chemins de Compostelle et le petit village d’Ostabat en méritent bien un par siècle, depuis que les peuples d’Europe s’y donnent rendez-vous.

Aujourd’hui la grêle et la pluie se disputèrent le match, mais le soleil tenait le rôle de l’arbitre. J’ai vu une collection d’arcs-en-ciel, de quoi décorer les ventres d’un régiment de bisounours. Je vous laisse imaginer ce que ça peut donner quand on embrasse du regard les Pyrénées, un arc-en-ciel naissant à ses pieds et se perdant dans les trous de lumière laissés par des nuages bleus, blancs, noirs.